Joseph Rivière
Joseph Rivière est né le 5 avril 1912 à Tours, en Indre-et-Loire. Son père, Michel Rivière, militaire de carrière est muté à Bordeaux où il arrive deux mois après la naissance de son fils.
Les Rivière sont d’origine vendéenne (Bressuire). Son père, le premier, entreprend des recherches généalogiques et transmet à Joseph Rivière sa passion pour ce travail. L’intérêt porté à ces ancêtres vendéens se manifeste par de nombreuses visites concernant notamment les églises dans lesquelles il recherche la trace des oeuvres de ces anciens menuisiers-ébénistes et sculpteurs sur bois: pour l’essentiel des statues de saints locaux.
A Bordeaux, la famille Rivière habite au 26 de la rue Frantz Despagnet. Joseph Rivière fait ses études secondaires au lycée Michel Montaigne jusqu’au Baccalauréat.
Sa vocation pour la sculpture se manifeste très tôt. Plusieurs auteurs rapportent l’anecdote de la reproduction du monument aux morts de Périgueux en terre crue à l’âge de quatre ouˆ cinq ans.
A l’issue de ses études secondaires, en 1930, Joseph Rivière entre à l’école municipale des Beaux – Arts de Bordeaux. Il suit de 1930 à 1933 les cours de sculptures de Charles Louis Malric et, de 1932 à 1933 au moins, les cours de dessin de Roganeau. Malric lui enseigne l’essentiel des bases techniques indispensables, notamment la réalisation des patines. Il recueille pendant ces quelques années de nombreux prix. En 1933, il obtient une mention pour les travaux de l’année. En 1932 lui sont attribués le premier prix de sculpture statuaire, une mention pour les travaux de l’année, le premier prix du concours d’esquisse, un prix dans la discipline “médaille, moulage et retouche au plâtre”, une mention pour les travaux de mise au point, le premier prix du concours des trois arts et le premier prix pour les croquis au cours de dessin de Roganeau.
Cette même année 1932, une bourse de voyage de quatre cents francs lui est offerte par la ville. Il visite en compagnie de Lucien Jeay, élève‘ de l’école des Beaux – Arts de Bordeaux, les provinces du Nord de l’Espagne. Ce voyage ne semble pas avoir marqué profondément le sculpteur même si Denys Chevalier prétend découvrir dans son art une “influence méridionale”. Dès son retour, Joseph Rivière travaille pour une agence de publicité réalisant des statues en ciment pour la promotion du tourisme.
En 1933, le succès de Joseph Rivière dépasse le cadre scolaire puisqu’il est reçu au Salon des Artistes Français. Les prix de l’Ecole des Beaux – Arts continuent à lui être attribués: il obtient le premier prix de sculpture avec félicitations du jury, un premier prix pour une tête d’expression, un premier prix pour une petite figure et une mention pour les travaux de l’année en sculpture et en dessin. Enfin, pour clore cette formation bordelaise, Joseph Rivière obtient une bourse d’études de quatre ans pour se rendre à Paris.
Joseph Rivière, étudiant assidu à l’Ecole des Beaux – Arts, se signale déjà par sa dªiscrétion. Les bordelais qui lui sont alors les plus proches sont le peintre Lucien Jeay avec lequel Rivière effectua son voyage en Espagne et le sculpteur Roger Courroy avec lequel il fait ses études et qu’il rencontrera encore lors de ses premières années passées à Paris.
Dès la fin de l’année 1933, Joseph Rivière effectue son service militaire à Versailles dans les chemins de fer. Fin 1934, libéré des obligations militaires, il s’inscrit à l’Ecole Nationale des Beaux – Arts, rue Bonaparte, et travaille dans l’atelier de Jean Boucher. Toutes les sources et témoignages s’accordent pour décrire l’ambiance peu bénéfique de cet atelier. Rivière dit lui – même “mon passage dans cette école ne m’a rien apporté”. En fait, ayant acquis une solide formation technique grâce à l’enseignement de Malric, il cherche à parfaire ses connaissances en se gardant de l’influence de Jean Boucher.
En 1935, Joseph Rivière obtient une mention honorable au£ Salon des Artistes Français. Il est admis en loge pour le Grand Prix de Rome en 1936. Enfin, il voit ses efforts récompensés en 1937 par l’obtention du prix Chevanard grâce à l’appui de Despiau, membre du jury extérieur.
Cette même année, il effectue plusieurs travaux pour le pavillon de Guyenne et de Gascogne à l’exposition universelle. Il réalise en compagnie de Roger Courroy deux grandes urnes sur lesquelles sont figurés les vendanges et le travail de la forêt landaise. En octobre de la même année, il présente à l’exposiiton des boursiers de la ville de Bordeaux (à l’Ecole des Beaux – Arts) les reproductions des oeuvres de l’exposition internationale ainsi qu’une “Naissance de Vénus” et “La Paix”, statue au sujet de laquelle on souligna la maîtrise d’exécution.
1938 est également une bonne année pour Joseph Rivière: sa participation au Salon des Artistes Français est récompensée par une médaille d’argent. Unée bourse de voyage de l’Etat obtenue la même année lui permet d’effectuer pendant six mois le tours des cathédrales de l’Ile – de – France. Denys Chevalier prétend que Rivière tira de ce voyage “un enseignement architectural”.
A son retour Joseph Rivière quitte l’atelier de la place Jules Ferry à Montrouge où il s’était établi dès son arrivée à Paris. Il s’installe au 59 de la rue Chardon – Lagache (XVIème arrondissement). Cet atelier présente l’avantage d’être situé dans un quartier plus calme. Descargues a laissé une description élogieuse de l’atelier du sculpteur: “…aucune poussière de plâtre, …pas une goutte de plâtre par terre, pas une trace de poudre de pierre. Comparé à l’atelier d’Alberto Giacometti où la terre et le siccatif ont giclé jusqu’au plafond, celui de Joseph Rivière ressemble à un salon…”
C’est ici qu’en 1938 Charles Despiau vient voir “La Paix”, sculpture qui valut à{ son auteur le premier prix du concours Roux. Il est, la même année, lauréat de l’Institut avec le prix Desprez.
Ce souci de calme et de discrétion explique que Rivière ne fréquente qu’un petit nombre d’amis. A l’Ecole Nationale des Beaux – Arts, il fait la connaissance de Gestalder, Gilioli, Veysset mais reste plus lié avec les sculpteurs René Leleu et Noël Papet. Il dira lui même plus tard: “…Le plus beau moment de ma vie a été, en 1937, ma rencontre avec le grand Despiau. Tout de suite, il m’a pris en amitié. Il m’a conseillé. Je ne dis pas influencé. Il avait trop le respect de son indépendance pour ne pas respecter celle des autres…”Joseph Rivière, sans être un intime du sculpteur landais, resta toujours en excellents termes avec lui. Il lui rend visite en avril 1946, huit mois avant sa mort. Ami du conservateur Jean Gabriel Lemoine (il faisait alors son buste), il inntervient auprès de Despiau pour que le musée de Bordeaux puisse acquérir un buste et peut-être un bronze.
Les premières commandes marquent cette période de la vie de Joseph Rivière. En 1939 il réalise le buste de Ferdinand Barbaud qui prend place dans la cour de l’abattoir hippophagique à Paris. De même, le buste du docteur Rouhet est érigé à Montségur le 2 juillet 1939.
Mobilisé à la déclaration de guerre en septembre 1939, Joseph Rivière interrompt ses travaux et part pour Thionville dans les services du génie. Ayant obtenu une permission, il épouse Mlle Lucienne Michot le 9 mars 1940. En Juin 1940 le sculpteur, fait prisonnier, est conduit à Trèves en Allemagne. Quelques temps après son arrivée, il obtiendra du commandant du camp d’aller travailler, toujours comme prisonnier de guerre, chez le sculpteur allemand Anton Nagel. Celui-ci réalise essentiellemeent des oeuvres religieuses: statues de Saints, décorations d’églises ou monuments funéraires souvent en bois. Malgré tout, les conditions de vie et de détention de Joseph Rivière affectent son état de santé de sorte qu’en mars 1941 il est rappatrié en France par train sanitaire.
A son retour il séjourne quelques mois à Bordeaux pour se reposer puis repart à Paris. Il réalise pendant cette période, pour une commande d’Etat un “Christ” et un “Saint Victor” (église Saint Victor de Bordeaux). Une exposition est organisée à Bordeaux dès son retour de captivité, sous le titre “Exposition de deux artistes bordelais prisonniers de guerre: Edmond Boissennet peintre et Joseph Rivière sculpteur”. Il participe également au Salon des sociétés artistiques en 1941, aux expositions parisiennes “Quelques artistes de Bordeaux présentent leurs oeuvres, Galerie Rotgé”, “Re_tour de captivité, musée Galliéra”. Cette période n’étant pas favorable aux grandes commandes, Joseph Rivière réalise plusieurs bustes de bordelais (professeur Piéchaud, Jean – Gabriel Lemoine, Germaine Gourges, Chapon et son fils).
Les années de l’Occupation et leurs difficultés ne facilitent guère la vie du couple à Paris sans altérer la passion de Rivière pour son travail. L’atelier est heureusement épargné par les bombardements alliés sur la capitale.
Le fait le plus marquant dans cette dernière partie de la vie de l’artiste est la création du Salon de la Jeune Sculpture dont il est le fondateur avec Denys Chevalier et Pierre Descargues. Pour Rivière, le Salon de la Jeune Sculpture doit remédier aux inconvénients techniques de présentation dans les salons prévus uniquement pour les peintres. Il veut redonner à la sculpture sa valeur monumen[tale par une représentation en plein air. Enfin ce salon doit être l’occasion d’une “confrontation de pensées, d’idées et de recherches entre les sculpteurs représentant des esthétiques souvent très opposées”. Toute sa vie, il participe activement , non seulement aux expositions mais aussi à leur organisation, mettant en place les sculptures de ses collègues quelques mois encore avant son entrée en clinique. Rivière fut l’un de ceux qui maintinrent la cohésion de cette organisation, occupant un temps le poste de trésorier. Ce salon périclite rapidement après sa mort puis disparaît. Les annotations portées par l’artiste sur les livrets d’exposition prouvent à quel point il s’intéresse à ces “esthétiques…très opposées”. Aucun jugement n’est absolument négatif. C’est au sein de ce salon que Rivière présente ses oeuvres majeures: “Gisant” de la BrXesse, “Figure au bord de l’eau”, étude pour le “Monument aux Démineurs”, “La Paysanne”, “L’Agenouillé”, …
Joseph Rivière, très attaché à la ville d’origine, plaide avec conviction et constance la cause du musée de Bordeaux auprès de Mme Despiau. En 1948, il prend contact avec Mr. Jacquard, Paul Belmondo puis avec Mme Despiau afin qu’il soit fait don au musée de Bordeaux de deux grandes figures en plâtre et de plusieurs bustes. Il obtient le 29 juin de la même année un accord verbal pour un don comprenant le moulage d’”Assia” et d’une “Figure de femme assise” ainsi que six bustes en plâtre. Il négocie également l’achat d’un buste en bronze (portrait de Mme Bessard) pour le musée. Mme Despiau lui fait connaître son désir d’offrir également les deux plâtres originaux du monument aux morts de Mont-de-Marsan.
Dès la fin de la guerre, Joseph RVivière participe activement à de nombreux salons et expositions, notamment aux Salons Comparaisons (de 1955 à 1958) et aux Salons des Peintres Témoins de leur Temps (en 1955, 1956 et 1957). Il est présent à l’Exposition Internationale de Sculpture Contemporaine organisée par le Musée Rodin en 1956. Il présente quelques oeuvres en Allemagne (1952, 1953, 1955 et 1958). En 1948 l’exposition achevée en Angleterre lui vaut une médaille de bronze pour son “Athlète marchant”. En 1950, il obtient à Bruxelles le Grand Prix de la Biennale de Sculpture de Plein Air avec “Le Gisant”. Les expositions particulières présentent des ensembles d’oeuvres plus larges ainsi que des dessins. En 1953, la première exposition particulière a lieu à la galerie Simone Badinier à Paris. En 1956, une exposition est organisée par la ville de Bordeaux.
En 1949, Joseph RiUvière est professeur de sculpture à l’Académie Jullian. En 1957, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres et en 1959 Chevalier de la Légion d’honneur.
Le 14 février 1961 Joseph Rivière meurt des suites d’une longue maladie.
Après la mort de Rivière, outre les rétrospectives du Salon de la Jeune Sculpture (1962), de la Deuxième Exposition Internationale de la Sculpture Contemporaine (1961), des Peintres Témoins de leur Temps et du Salon Comparaison, la Galerie Rotapfel de Zurich présente en 1964 un large ensemble des oeuvres de l’artiste. Cette exposition est reprise l’année suivante par la Galerie Percier à Paris. En 1980, le Salon d’automne présente un important ensemble d’oeuvres. La Galerie Le Fleuve à Bordeaux lui consacre également une rétrospective, exposant et conservant ses oeuvres pendant quelques années.